On change de décor avec cette
escapade de l’autre côté de la mer de Botnie, direction la « Höga
Kusten », ou haute côte, suédoise. Paysages plus montagneux, offrant
des perspectives vallonnées. Tout cela sous une canicule surprenante
par cette latitude : 63° 12’83’’N, le record du point le plus nord
jamais atteint par Saltimbanque.
Plus de photo de granit toujours-rose-mais-tirant-sur-le-rouge dans notre page "Photos".
219 milles navigués 2084 milles navigués depuis le départ
Depuis
plusieurs jours, une grosse bulle anticyclonique s’est installée sur le
golfe de Botnie, nous offrant un temps chaud, ensoleillé et… assez
calme… Une légère brise de Nord à Est est annoncée pour les deux
prochains jours, qui nous permettra d’aller voir plus au Nord si on y
est. Plutôt que de tirer des bords face au courant le long de la côte
finlandaise, nous optons pour une traversée en diagonale de la mer de
Botnie et un atterrissage en Suède.
Départ de
Lootholma dans la pétole du matin, parfait pour parcourir au moteur les
8M du chenal de Kustavi, trop étroit pour y manœuvrer à la voile.
Une
fois dans les rochers au nord de l’île, arrêt moteur, on s’attend à
devoir tirer des bords afin de rejoindre la mer ouverte. Premier bord,
on rase une petite île et on vire juste derrière. Bien concentrées sur
le cap et les réglages on passe sur le nouveau bord une première île,
puis un caillou, puis un second.
Le vent a le bon goût d’adonner
un peu et nous continuons ainsi sans encombre jusqu’au sud de l’île
Isokari. Il y a un peu plus de place entre les récifs et on est un peu
moins au taquet. Et on passe encore les uns après les autres les
cailloux suivants, toujours sur ce même bord miraculeux.
Plus
que la réserve de phoques à parer, Bob va bien nous faire ça ! Et sous
régulateur d’allures nous passons au vent du dernier danger en n’ayant
finalement viré qu’une seule fois ! Classe !
Bientôt le bout du chenal de Kustavi et la sortie de l'archipel de Turku
On ne se lasse pas des nuits sans fin des hautes latitudes...
Nous
nous trouvons en mer ouverte et soudain très seules. Les milliers de
plaisanciers en vacances ne sortent pas de l’archipel. Nous ne
croiserons que 4 cargos et un animal de ferme mort (encore !!) en 36h
de navigation.
Et
quelle navigation ! Nous sortons des cailloux au près sous GV haute et
génois, toujours sur notre bord direct. Et pendant 36h nous ne touchons
à rien ! A peine quelques ajustements de régulateur comme la direction
du vent varie parfois de quelques degrés. Tout cela sous un chaud
soleil nous permettant de vivre en T-shirt-short le jour et
sweat-pantalon la nuit.
C'est l'été en Suède !
Arrivée sur la Haute Côte suédoise
La
mer un peu clapoteuse au début se range vite et la navigation est
absolument idyllique. Si bien que lorsqu’on aperçoit la terre vers 17h
le 2e jour, notre réaction est un brin déçue : « Déjà !!... »
Les
îles sont hautes, il nous reste toutefois encore 30M avant d’arriver.
Dernières heures fabuleuses: nous voyons les montagnes grossir dans le
contre-jour d’un crépuscule sans fin…
Arrivée
à 1h du matin dans le charmant petit port de Bönhamn. Il y a 3 quais
publics, l’amarrage se fait en mouillant son ancre arrière et en
mettant le nez sur le quai de bois. Très bonne tenue mais un peu ouvert
au Nord.
Après
quelques heures de sommeil nous partons découvrir notre nouveau jardin.
Bönhamn est une anse de granit ornée de cabanes de bois rouge :
nous sommes définitivement de retour en Suède (étonnant après pourtant
2000 M de nav !). Détail surprenant, il n’est pas possible de payer le
port par app ou carte bleue. Seulement en espèces à laisser dans la
boîte au bout du ponton. Heureusement pour nous ils acceptent aussi 15€
au lieu des 130 SEK que nous n’avons pas… Les douches fonctionnent
apparemment avec des pièces de 10 SEK que nous n’avons pas non plus.
Tant pis, la mer est chaude….
Saltimbanque au coeur du petit village de Bönhamn
Homo sapiens s'adaptant aux conditions extrêmes rencontrées à environ 300 km du cercle polaire...
Une fois
sorties des maisons de l’anse, nous partons sur le granit le long de la
côte, non sans repérer les myrtilles mûres à point que nous reviendrons
chercher un peu plus tard… Le bout de la pointe fait office de plage,
offrant des mises à l’eau facile depuis des rochers lisses. Nous lui
préférons un accès plus difficile mais plus loin des foules, et
profitons des conditions extraordinaires de ces derniers jours pour un
bain à peine rafraîchissant.
L’après-midi,
en route pour l’île suivante : Mjältön et la baie de Baggviken,
véritable lagon tout rond au sud-est de l’île. L’entrée est étroite et
peu profonde (3m), mais une fois dans la baie on trouve 4 à 6m de fond.
Un petit ponton est déjà bien plein de voiliers, d’autres ont préféré
mouiller leur ancre arrière et amarrer l’avant aux troncs d’arbres.
Nous restons très classiques et mouillons notre ancre avant au milieu
de la baie, on est plus tranquille pour prendre notre douche de
Saltimbanque. Le « thermo-sondeur » indique 21.6°C dans l’eau pour plus
de 30 dans le bateau… Par 63°N, ce sont les tropiques arctiques !
Saltimbanque dans le lagon tout rond
19 juillet : Baggviken – Ulvöhamn – Näske (15M)
Ces champs de cailloux sont des moraines issues des glaciers et bien rangées par la mer quand elle atteignait ce niveau
Il y a bien
longtemps, les terres bordant l’actuelle mer de Botnie étaient
entièrement recouvertes de glace. Des glaciers de plusieurs kilomètres
d’épaisseur qui ont comprimé la terre sous leur poids. La terre
s’enfonça d’environ 800m, terrassée par le glacier. A la fin des ères
glaciaires toute la glace fondit et disparut, soulageant la terre du
poids qui la compressait. Depuis la terre se détend et remonte
lentement à son niveau originel. C’est le phénomène d’isostasie, ou de
« rebond », plus sensible ici (et en face en Finlande) que n’importe où
dans le monde. La terre monte ici chaque année de 8,5mm (85cm par
siècle). Le temps d’une vie, un humain verra donc naître de nouvelles
îles, et des baies se transformer en lacs… Dans 2500 ans, la terre aura
tellement remonté qu’il y aura un nouveau passage terrestre entre la
Suède et la Finlande à cet endroit.
L’île
de Mjältön se trouve être l’île la plus haute de Suède, culminant à 236
m (amis Norvégiens, ne riez pas…). Bien entendu il a fallu qu’on monte
dessus. Mieux encore, puisque l’île est en croissance permanence,
chaque randonneur bat successivement le record de l’ascension de l’île
la plus haute de Suède! Cela motive pour la grimpette sous une chaleur
difficilement supportable même à 10h du matin…
La
tradition veut que chaque randonneur amène une pierre pour alimenter le
cairn au sommet. C'est sûr que ça aide la montagne à pousser plus
vite...
Vue sur les autres îles de granit
C’est
ici aussi le royaume du granit. Le long de cette côte il alterne entre
le rose clair, le rouge orangé, le gris sobre et le blanc crémeux. Dans
toutes les failles poussent des pins rachitiques ou des touffes de
mousse desséchée. Sans connaître les statistiques, on se rend compte
que cette chaleur et cette sécheresse ne sont pas normales. La Suède
est d’ailleurs en alerte incendies permanente, avec 60 foyers actifs
ces jours-ci, tellement débordés qu’ils dépendent des soutiens
étrangers pour contenir les feux. Mesure extrême : les barbecues sont
interdits.
La
promenade matinale nous a mises en appétit et nous nous dirigeons vers
Ulvöhamn pour y déjeuner. Ce port fut fondé au 16è siècle par les
pêcheurs de Gävle, une ville environ 400 km plus au sud qui possédait
alors le privilège de pêche au hareng sur toute la côte de Botnie.
Toute la côte a été ainsi peuplée par ces pêcheurs, et Ulvön en
particulier a gardé la réputation de capitale du « surströmming » :
spécialité de hareng fermenté qui se mange moisi à point, dont le
transport aérien est interdit à cause des risques d’explosion des
boîtes sous pression. C’est officiellement la nourriture la plus
nauséabonde du monde. Mais ce n’est pas la saison pour en goûter «
frais », et le vendeur du petit magasin nous déconseille d’en ramener
dans un bateau sans frigo (zut alors…)…
A part son poisson et
ses glaces (toujours disponibles et délicieuses sur la côte suédoise),
nous apprécions aussi la petite chapelle du 16è siècle et ses peintures
naïves. A l’époque des pêcheurs de Gävle, il y avait deux messes par
été seulement, et le pasteur itinérant qui officiait dans toutes les
chapelles de la côte était payé en hareng !
Les très chouettes peintures de la chapelle de Ulvöhamn
Accelération fulgurante de cygnes
Finalement
repues, nous reprenons notre route vers le port du soir, 10 M plus loin
dans la baie de Näske. La brise de l’après-midi s’essouffle et nous
alternons périodes au moteur et tentatives de voile, longeant une
réserve d’oiseaux et faisant la course avec des cygnes qui passaient
par là.
Le
port de Näske est surtout occupé par des bateaux résidents. Les
visiteurs peuvent prendre les places libres qu’ils trouvent, de
préférence en bout de ponton. Il y a 6.5m de fond, de l’eau,
électricité (payante), toilettes sèches… et une boîte dans laquelle
déposer les 60 SEK pour la nuit.
Cette fois on a recours à une
ruse : le lendemain, en achetant du poisson frais à l’élevage juste à
côté, on achètera aussi un peu de liquide au caissier…
Notre
positionnement à Näske était stratégique : il nous place à quelques kms
de l’entrée du parc national Skuleskogen, où se trouve le point
culminant de cette côte et pas mal de jolis sentiers. C’est donc parti
pour une journée de rando ! Progressant gaiement sur le chemin, malgré
les taons qui abondent aux frontières du parc et une température
caniculaire, nous couvrirons 28km dans la journée, de forêt en sommet,
le long des lacs et dans la crevasse de granit.
Le
paysage est simplement grandiose, les couleurs éclatantes sous le
soleil, et le relief si différent de tout ce que nous avons visité
depuis le début du voyage. Nous sommes vraiment heureuses d’être venues
dans cette partie de la Baltique souvent oubliée par les plaisanciers
étrangers.
Vues splendides depuis le sommet
Ces
restes de maison préhistorique sont à 22m d'altitude d'après notre
altimètre. A raison de 8,5mm d'élévation par an et en considérant que
la maison était au bord de l'eau, datez les ruines !
Ici
aussi nous trouvons des traces du « rebond » : les traces de campements
préhistoriques, qui abritaient alors les pêcheurs au bord de la mer,
sont maintenant jusqu'à 50m d’altitude!
De
retour au port nous nous jetons dans l’eau au bout du ponton. C’est
l’heure du bain ! En 6 jours en Suède, nous ne verrons pas une seule
douche – mais nous nous laverons tous les jours :o)
Notre baignoire journalière en Suède
21 juillet : Näske – Trysunda - Tennviken (20M)
Encore
une journée chaude et avec peu de vent qui s’annonce. Poursuivant notre
tour des anciens ports de la côte, nous partons vers Trysunda,
alternant voile et moteur, et même un petit bord de spi !
A défaut de se mettre à couple, ils se mettent à la queue leu leu !
Le
petit port, converti maintenant en charmant village touristique, est
connu. Le ponton visiteurs (ancre arrière, nez au quai) est déjà plein
à 13h… Après avoir fait un tour au fond de la baie et constaté qu’il
n’y a pas d’eau au niveau du 2è ponton, nous décidons de mouiller
devant la plage. 7m sur du sable mêlé de roches. Pas très confortable
dans l’ouvert de la baie, mais c’est juste le temps d’une visite… Et
nous ne voulons pas suivre l’exemple d’un Bavaria arrivé après et qui
s’est carrément attaché à l’arrière d’un autre Bavaria au ponton, avec
débarquement dans son cockpit…Intrusif…
Le village est rapidement parcouru et le point de vue dûment admiré. Oui oui, c’est joli ici aussi !
Satisfaites
de cette constatation, nous poursuivons notre chemin vers le Nord,
toujours alternant voile (un peu) et moteur (principalement) sous le
chaud soleil. On se jette même quelques seaux d’eau l’une sur l’autre
pour se rafraîchir.
Le très joli village de Trysunda, avec un Saltimbanque au fond...
On longe de nombreuses îles aux oiseaux dans le coin
Les
orages montent et nous voulons nous mettre à l’abri de leurs foudres.
En étudiant la cartographie électronique ce matin nous avons identifié
l’anse de Tennviken, parfaitement isolée de tous vents avec son entrée
très étroite.
Nous
avions repéré sur Google Earth la présence de quelques « hytte », ces
résidences secondaires en bois dont les scandinaves sont férus, sur la
côte sud de la baie, et espérons que notre présence ne les gênera pas
trop. En s’engageant dans l’étroit chenal, des locaux nous saluent d’un
« allez les bleus » encourageant. Puis alors que nous vérifions les
fonds et choisissons le meilleur endroit pour mouiller, un autre
autochtone nous hèle depuis la côte. « Hey ! Prenez donc mon coffre là, vous serez mieux ! Et restez aussi longtemps que vous voulez. Bonne soirée ! Et bienvenue ! »
Après
vérification le coffre est assez costaud pour nous et mieux abrité que
là où nous pourrions mouiller. Nous sommes le seul voilier de la petite
baie, les orages peuvent bien souffler !
Température
de l'eau et position à Tennviken. A la même latitude dans l'hémisphère
sud, nous serions à 10 milles de l'Antarctique...
22 juillet : Tennviken (à terre)
A
défaut de souffler, les orages tonnent. Des gros coups de tonnerre et
une pluie franche qui nous engagent à rester ce matin au fond de la
bannette.
Equipement adapté de la cueilleuse de myrtilles, qui protège de la pluie comme des moustiques!
Une
fois les cieux un peu calmés, nous descendons à terre en annexe pour
une petite balade. La forêt regorge de myrtilles, et à force de
passer notre vie au mouillage nous commençons à manquer de produits
frais. Une nouveauté dans les baies que la nature veut bien nous offrir
: des framboises ! Les premières de la saison qui de manière étonnantes
poussent tout près de l’eau…
La côte est toujours aussi belle
malgré le ciel gris, 50 nuances de granit et l’eau bleue très belle sur
cette côte, sans aucune trace d’algue cyano-bactérienne comme dans
l’archipel de Turku.
Laure
trouve que la côte est également belle depuis la mer et part nager 1
mille pendant que Camille fait du pain et surveille la tarte aux
myrtilles. Finalement on n’est pas si mal pour une journée à attendre
que les orages passent…
Laure à, ou plutôt dans, Tennviken
Lumière du soir
Ce
sera fait vers 20h, parfait pour dîner en terrasse dans une magnifique
lumière… Très chouette parenthèse suédoise. Demain nous traversons de
nouveau la mer de Botnie, pour notre 3e entrée en Finlande du voyage…
SuDad - 27/07/2018 16:38:37 Vous soumettez une nouvelle fois vos supporters à une épreuve redoutable, celle de ne pas (trop) se répéter dans les éloges. On a toujours la réaction de s’extasier devant la beauté des photos, de s’amuser des notations pittoresques que vous collectionnez, d’admirer la rigueur des données « techniques », des relevés de navigation. Et aussi des fiches de géographie, qui nous instruisent sur les réalités de ces pays nordiques, dont nous ne percevions que les lieux communs. Votre « Baltic tour » devient une mission culturelle ( !?!...), heureusement émaillée constamment pour vous de préoccupations mer-à-mer et terre-à-terre des plus distrayantes !!! AUMADATROI - 26/07/2018 19:58:25 De bien beaux petits coins de paradis ! Et en plus de l'eau à 25° !!! Ca donne envie quand même !!! Mum - 26/07/2018 15:33:54 Merveilles de merveilles on apprend,on rêve et on sourit la mamou - 26/07/2018 12:59:30 encore tellement magique , qu'il faut bien une ou deux autres lectures d'affilées !!!