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D’un archipel septentrional à un autre, nous continuons notre route entre les coups
de vent, à la recherche de l’été perdu…
D’autres photos automnales, ainsi qu’un petit film de macareux, sur notre page «
Photos »
Photos
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216 milles navigués
876 milles parcourus depuis le départ
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12 juin : Lerwick – Pierowall (91 M)
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Enfin une accalmie entre deux dépressions, le vent devrait être maniable pendant 48h
: d’abord 24h de Nord-Ouest, puis une grosse molle avant l’arrivée d’un nouveau
phénomène générant du vent d’Est de plus en plus fort, culminant au coup de vent
force 8 dans 60 heures.
Bien, il s’agit donc d’avancer du mieux possible sur cette fenêtre. L’île de Fair
Isle, à 40M d’ici, semble absolument magnifique, mais ce sera pour une autre fois.
Nous décidons de faire l’impasse et de viser les îles Orcades directement, à une
petite centaine de milles.
En plus du vent, il commence à y avoir sérieusement du courant dans les environs, ce
qui peut lever des mers difficiles voire dangereuses au bout des caps ou par vent
contraire. Ce phénomène s’appelle un raz en français, mais en Ecossais on dit «
roost », prononcer « rouste », on comprend bien qu’il faut donc les éviter ! Celui
qui se forme à Sumburgh à la pointe sud des Shetland est particulièrement corsé et
nous impose à la fois une heure de passage et une trajectoire passant bien au large
de la pointe.
Départ donc à 23h de Lerwick, dans du vent encore un peu fort mais qui devrait
mollir. D’abord avec 1 ris dans le foc et 2 dans la grand-voile, qui deviennent vite
3, puis plus de grand-voile du tout. Pourtant nous sommes encore au portant et sous
le vent de la grande île des Shetland… si le vent ne mollit pas il sera impossible
de lofer dans ces conditions… Fort heureusement la situation s’améliore vite dès que
nous sortons de l’ « abri » de l’île (qui finalement causait surtout des effets de
site violents par effets de pointes et d’accélération le long de la côte) Nous
renvoyons le 3e ris et faisons cap au bon plein vers Westray, l’île au nord-ouest de
l’archipel des Orcades.
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Et c’est parti pour une navigation en camaïeu de gris : gris clair (le ciel
comme la mer), gris moyen (la « nuit » en ces contrées septentrionales) ou gris
foncé (les nuages de pluie). La mer est finalement assez maniable, par contre il
fait très froid : 9 degrés à l’intérieur, on imagine la température ressentie
dehors avec 25 nœuds de vent apparent et un crachin tenace…
En milieu de journée et contre toute attente, le vent mollit… C’est
incompréhensible au vu de la situation générale, et nous pensons donc qu’il ne
s’agit que d’une transition vers le vent refusant que nous attendons dans
l’après-midi. Mais pour l’instant, c’est mou, et sur ces 2 mètres de houle il
nous faut de la vitesse. Ainsi commence une après-midi épuisante où nous ne
cesserons de manœuvrer, et en particulier d’enlever le foc pour envoyer le
génois, puis le remettre, puis l’enlever de nouveau car le vent ne monte pas
tant que ça, puis le remettre dans une vraie forcissante cette fois, puis aller
prendre un ris dans le foc 2 heures avant d’arriver, car finalement le vent
remonte à 20 nœuds. À chaque fois Camille va à l’avant, sur le pont balayé par
les vagues, manœuvrer la voile trempée, et dans ces conditions froides et
humides elle y laisse beaucoup d’énergie. On se réjouit à l’idée d’avoir bientôt
une trinquette sur enrouleur sur notre nouveau bateau…
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Nuit blanche par 5 degrés apparents sous la pluie, ce sont de chouettes vacances
!
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Le soleil se couche sur l'ile de Westray
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L’île de Westray apparaît enfin, plus basse que les Shetland, et bien plus
cultivée. Malgré le manque de couleurs, il semble y avoir de très belles plages
de sable blanc (ou gris très très clair au moins !). La baie de Pierowall est
bien abritée et nous décidons de passer la nuit au mouillage. La soirée est
magnifique : eau transparente sur fond de sable clair, entourées de collines
verdoyantes où galopent deux chevaux noirs et blancs, avec en prime un coucher
de soleil tout rouge… Nous regardons tout cela à travers les hublots, sans
s’éloigner de notre petit poêle au pétrole lampant avant d’aller vite récupérer
sous la couette !
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13 juin : Pierowall du mouillage au port (0.5M)
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Sitôt levées (sortir du lit n’a pas été facile !), sitôt au boulot. Nous voulons
rejoindre le port avant que le vent d’Est ne s’établisse. Nous nous étions
assurées avant de choisir Westray comme île d’atterrissage qu’il y avait de la
place dans ce tout petit port, actif pour la pêche mais avec juste un bout de
ponton destiné aux voiliers.
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Le port de poche de Pierowall, Saltimbanque et un autre voilier se cachent
derrière les bateaux de pêche
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Les environs immédiats du port sont déjà très jolis sous ce rayon de soleil!
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A peine amarrées, nous discutons 5 minutes avec l’équipage d’un voilier
norvégien (pour une fois étonnamment social !) qui nous racontent leurs déboires
à Fair Isle : le port est minuscule, certaines places sont le long d’un quai de
béton, et à plusieurs bateaux à couple et par grand frais de nord-ouest, ce
n’est pas bon du tout pour les listons… Nous ne regrettons pas notre décision
d’avoir passé notre chemin ! Nos amis de Dibona nous ayant dit le plus grand
bien de Westray, nous sommes impatientes d’aller gambader dans les environs. En
plus, aujourd’hui, c’est un évènement : il ne pleut pas !
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L’île est très calme et principalement agricole. La terre est sableuse, et avec
ces petites maisons grises on pourrait parfois se croire en Bretagne Nord.
Premier arrêt au château de Noltland, en ruines mais suffisamment entretenues
pour qu’il se visite ! Très chouette bâtisse fortifiée du 17e siècle en belles
pierres roses et grises, dont il reste quelques escaliers et les contours des
pièces principales. C’est finalement une bien grande demeure par rapport au
reste de l’île qui accueille seulement des fermes et petites maisons
individuelles.
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La tour du chateau de Noltland.
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Deuxième objectif de ballade, le tour de la pointe de Noup Head : son phare
(construit par la famille Stevenson comme tous les phares de la région, et alimenté
par des panneaux solaires !), ses belles falaises et… ses colonies d’oiseaux marins
! Même si ce n’est plus notre première rencontre, nous sommes toujours émerveillées
par ces centaines d’oiseaux qui volent à notre hauteur le long de falaises. On
retrouve les habituels fous et guillemots, mais également de nombreux macareux !
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Noup head, ses oiseaux, son phare...
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... et ses macareux! Combien en comptez-vous sur la photo?
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Troisième arrêt, les plages de la côte Est, magnifiques de sable blanc et d’eau
turquoise, ça doit être vraiment chouette en été ici… La géologie est assez
différente de celle des Shetland, la roche est plus limoneuse avec de très
nombreuses traces de vaguelettes figées dans le sable devenu roche. Des phoques
se prélassent ici et là, histoire de nous rappeler que nous ne sommes pas aux
Antilles si nous avions encore un doute.
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Il ne manque qu'une vingtaine de degrés pour être aux Caraïbes!
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On parle de "forêt de kelp" pour une raison!
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Les ruines sur l’île ne sont pas seulement médiévales, on trouve aussi des
restes d’habitat néolithique (la fameuse petite statuette « Femme de Westray »,
5000 ans d’âge), de « maisons longues » viking, ou encore des fermes des
quelques siècles passés. Le long du rivage, des petits murets en pierres sèches
servaient à faire sécher les laminaires, ensuite transformés en « kelp »,
exporté en grande quantité au 19è siècle.
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Retour au bateau où le vent commence à monter, nous nous préparons pour le vrai coup
de vent du lendemain.
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14-15 juin : Westray (à terre)
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Nous avions bien préparé le bateau, mais les rafales qui nous réveillent à 7h du
matin sont orientées plus bien plus Nord que prévu, et nous les prenons par le
travers. Nous sautons dans nos bottes et cirés encore en pyjama pour rajouter 3
aussières transversales et enlever la pale de notre précieux régulateur d’allure
(Bob) qui vibre dangereusement.
Ça souffle vraiment fort… Les 50m de fetch du port suffisent à générer des
vagues qui éclatent sur le bateau comme au large, le vent fait hurler les
haubans, Laure commence à avoir le mal de mer au ponton…. On estime le vent à 40
nœuds dans le port… Dans ces conditions hostiles (car en plus il pleut
beaucoup), il est urgent de rester blotties sous la couette !
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Le vent crée des vagues dans le port qui viennent déferler sur Saltimbanque!
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Le vent violent passe relativement vite et l’après-midi est assez classique : ciel
plombé et petite pluie fine, vent force 5 à 6 mais rien de grave. Tout cela
n’arrange pas l’humidité à bord qui varie entre 85 et 100%, le petit chauffage
électrique ne suffit pas pour faire sécher le bateau et nos affaires sont de plus en
plus trempées… Ceci dit nous avons gagné 3-4 degrés par rapport aux Shetland et il
fait plutôt 13 que 10 à l’intérieur. Progrès certain !
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Femme de pas-Westray contemplant la "Femme de Westray"... ou serait-ce
l'inverse?
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Il est temps d’aller prendre l’air, nos pas nous mènent vers le petit musée de
la ville, duquel nous n’attendons pas grand-chose du fait de la taille de l’île
sur laquelle nous nous trouvons (600 habitants). Mais nous sommes agréablement
surprises. Il s’agit bien sûr de l’histoire très locale, mais tout est très bien
présenté et mis en valeur. On sent que toute la communauté a participé à cette
exposition, qui en amenant la dentelle de sa grand-mère, qui en ayant sauvé un
mur couvert de graffitis laissés par les marins de passage au début du siècle.
L’histoire qui nous fascine le plus est celle de l’éolienne de l’île : les
habitants ont formé une association pour le développement de Westray, qui au
début des années 2000 a exploré plusieurs options d’énergies renouvelables
(biocarburants, éoliennes, même bricolé une voiture électrique). En 2009 ils ont
achevé la construction d’une éolienne de 900kW (taille correcte pour l’époque),
après avoir fait toutes les études, obtenu tous les permis et négocié tous les
contrats de financement et d’entretien – tout comme les grands parcs éoliens !
Les revenus générés par la vente de l’électricité depuis servent à financer de
nouvelles initiatives chaque année : jardins communautaires, centre associatif,
petite boutique de seconde main, etc. L’accès à l’énergie est clairement une
préoccupation : de nombreuses maisons ont leurs petites éoliennes individuelles,
plus ou moins vieilles et plus ou moins grandes. C’était déjà le cas dans les
Shetland d’ailleurs. Nécessité d’autonomie pour les insulaires…
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Le lendemain le vent est maniable pendant quelques heures seulement, pas assez une
autre étape. Nous restons donc à Pierowall, qui a l’avantage de ne pas être situé
derrière un « roost » de courant trop fort : nous sommes donc beaucoup plus
flexibles quant à notre heure de futur départ.
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Le petit magasin du village (établissement Rendall), loue des vélos, voilà un
moyen de locomotion parfait pour faire le tour de l’île ! Après une tentative
pas très fructueuse de pêche à la coque sur les très jolies plages des environ,
nous pédalons jusqu’aux ruines d’une église viking en bord de mer. En
utilisation jusqu'au 19e siècle, elle est entourée du vieux cimetière.
Ci-gissent… beaucoup de Rendall (commerçants depuis 20 générations ?), de
nombreux Paterson / Peterson, nous ne verrons pas plus de 10 noms de famille
différents ! On raconte que dans le temps, les naufragés étaient espérés sur
l’île comme une opportunité de commencer une nouvelle lignée…
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Ruines de l'église et vieux cimetière
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Les Orcades sont bien plus basses et cultivées que les Shetland
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A vélo à travers des pâturages gentiment ondulés, la dizaine de kilomètres
jusqu’à la pointe sud de l’île est vite avalée. De là nous voyons enfin d’autres
îles de l’archipel des Orcades, ainsi que les passages étroits aux forts
courants.
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Arrêt suivant, une falaise réputée pour sa colonie de macareux. Bon, nous avons
vu tellement de beaux oiseaux que nous n’attendons pas grand-chose de l’endroit,
surtout qu’il commence à crachiner de plus en plus…Et pourtant, la falaise basse
est facile à approcher, et nous sommes vite entourées de dizaines de macareux,
plus mignons les uns que les autres… Le spectacle est superbe et ce n’est que le
froid tenace qui réussit à nous arracher de notre contemplation !
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Les macareux, on ne s'en lasse pas !!
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Un dernier arrêt avant de rentrer, Jack le poissonnier qui nous avait été recommandé
par nos amis de Dibona. Nous y trouvons du haddock et du maquereau fumé, des œufs
d’oie et surtout… des coquilles Saint Jacques ! De quoi faire un excellent diner
pour célébrer notre séjour aux Orcades… enfin, à l’Orcade – puisque nous n’aurons vu
qu’une seule île !
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16-17 juin : Pierowall – Lochinver (125M)
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Cela fait des jours que nous guettons cette fenêtre météo, un petit vent de Nord-Est
qui serait parfait pour passer le fameux Cap Wrath au Nord-Ouest de l’Ecosse.
Bien-sûr elle s’est dégradée un peu au fur et à mesure, mais semble toujours
ouverte. Il suffit juste de laisser passer ce petit coup de vent de la dernière
minute en ce dimanche matin…
Le vent est censé mollir à 10h d’après les fichiers météo, mais en réalité il est
plutôt en train de se renforcer ! La renverse de courant a lieu autour de 14h et
nous regardons les minutes s’envoler dans les rafales en déprimant…. Partir à
contre-courant signifierait ne pas pouvoir emprunter le raccourci entre les îles de
Westray et Papa Westray (le Papa sound), et devoir faire un détour de plus de 10
milles, nous mettant potentiellement également en retard pour la marée suivante au
Cap Wrath. Faisable, mais vraiment moins optimal.
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Noup Head, vue de la mer cette fois!
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A 13h30 le vent commence à baisser, et nous sortons du port juste avant 14h, à
l’heure de la renverse donc. Il y a une heure de navigation environ pour
atteindre le Papa sound et ses forts courants. Nous sommes en mortes eaux (donc
les courants de marée sont plutôt faibles), en tout début de renverse, et
devrions pouvoir passer le sound sur un bord : c’est trop tentant, on décide
d’essayer de forcer le passage. Nous arrivons idéalement placées dans le chenal,
à 5 nœuds au près, avec 1h de retard sur la marée, et on passe, on passe….
presque. Il y a déjà 2 nœuds de courant contre et nous dérivons
irrémédiablement. Devoir tirer un bord nous condamnerait à ne pas passer. Le
seul espoir est que les 10 chevaux de Junior arrivent à nous faire gagner les 5
degrés au vent qu’il nous manque. On tente. Junior nous pousse du mieux qu’il
peut, Laure barre à la risée pour grappiller le moindre mètre au vent, Camille a
les yeux rivés sur la carte. 2,6 nœuds sur le fond, au cap. On continue. 2,8
nœuds, toujours sur le bon cap, on continue. Vas-y le chenal s’ouvre un peu sous
le vent, tu peux abattre de 2 degrés pour accélérer. 10 minutes plus tard, nous
n’avons plus besoin de l’aide du moteur. 20 minutes plus tard nous avons à peine
un nœud de courant contre, et de la place sous le vent. Nous sommes passées !
C’est beau quand ça marche!
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Maintenant il n’y a plus qu’à abattre vers l’Ecosse. En passant la pointe de Westray
nous quittons d’ailleurs officiellement la Mer du Nord pour rejoindre l’océan
Atlantique! Nous tangonnons le génois et
glissons doucement sous un quasi-rayon de soleil entourées par les fulmars… Le début
de la traversée est assez lent et calme, mais quelque chose nous dit que ça ne va
pas durer… Quelque chose comme ce gros nuage noir par exemple ? Finalement il ne
pleuvra pas tant que ça, mais le vent forcit et refuse, et nous revoilà sous nos
deux ris habituels. Dans les parages, une bonne fenêtre météo, ça veut simplement
dire qu’on ne prendra pas le 3e ris cette fois !
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S’ensuit une navigation plutôt rapide, froide et humide mais moins agitée que
les précédentes. Quelques intermèdes interrompent notre routine grise, comme ce
ciel anthracite sur lequel étincellent des fous de Bassan éclairés par un soleil
couchant particulièrement doré, cet énorme dauphin qui vient quelques minutes
jouer autour du bateau en milieu de nuit, et le fameux Cap Wrath qui émerge une
poignée de secondes de la brume crachinante, nous permettant de réaliser que
nous sommes en train de contourner l’Ecosse !
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Pour une fois nous avons un beau coucher de soleil!
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Le fameux Cap Wrath, la pointe Nord-Ouest de l'Ecosse!
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Grace à notre raccourci à travers Papa Sound, nous arrivons au Cap Wrath en
début de marée et avons maintenant 6h de courant avec nous. Il est encore tôt le
matin, nous décidons de profiter de ce bon vent de Nord pour avancer le long des
côtes Ecossaises. Du moins, il paraît qu’il y a des côtes - dehors, on n’y voit
rien. Et le vent portant c’est bien, mais ça veut aussi dire que la pluie rentre
dans le bateau qui devient encore plus détrempé que d’habitude. Tout est
dégoulinant depuis des jours maintenant, il semble que nous ayons laissé la
notion de sec aux Shetland. (Quant à la notion de chaud, on l’a clairement
oubliée en Norvège !)
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Entre deux averses, les contours d’une terre apparaissent. Une côte rocheuse qui
nous rappelle beaucoup la Norvège de l’ouest, de nombreux bateaux de pêche, et
un petit bout de ponton. Nous voilà à Lochinver, pour une nuit réparatrice avant
de poursuivre notre route à la découverte des Highlands Ecossais !
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Nouveau pays, nouveau drapeau, et nouvelles aventures à suivre...
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